Quelle semaine, mes aïeux ! Parties le samedi 18 à 8 heures tapantes sous un soleil encore hésitant, le ciel devient de plus en plus bleu à fur et à mesure que nous progressons vers le sud. Chouette, la météo s’est trompée une fois de plus ! Nous arrivons à Saint-Rémy-de-Provence en plein après-midi et là, notre GPS ne trouve malheureusement pas l’adresse indiquée, car entre la « Voie Aurélia » et la « Voie aurélienne » le pauvre est perdu…. Heureusement nos hôtes, Annie et Daniel, nous attendent et nous guident jusqu’à notre joli nid. Jamais encore auparavant, nous n’avons eu un accueil aussi chaleureux dans une location !

Non seulement, en homme galant, Daniel nous a cueilli de la lavande séchée qui sent bon, mais Annie nous surprend aussi avec de l’eau fraîche et de la confiture d’abricot/lavande dans le frigo. Ils ont même pensé au programme TV et, ouf, pour une fois, nous avons suffisamment de crochets dans la salle de bain ainsi que des serviettes de couleur différentes. Ce sont ces petits riens qui rendent un séjour agréable. En plus, les couleurs sont gaies, le couple peint les tableaux qui sont aux murs. Annie nous donne – plan de la ville à l’appui – des tuyaux précieux : pour le seul parking gratuit au centre, le meilleur traiteur (pour le dernier soir), la petite rando, le marché du lundi, le château à côté des Baux à visiter… Une adresse exceptionnelle !
JOURNEE DU PATRIMOINE
Dimanche matin, nous allons à pied en ville par un joli petit chemin quasiment privé – une dame acariâtre a même essayé de se l’approprier, heureusement en vain ! – afin de rendre visite à deux bâtiments que nous avions négligés lors de notre premier séjour. D’abord l’HÔTEL DE SADE de style gothique flamboyant qui fut édifié pour Balthazar de Sade (ancêtre lointain du fameux Marquis) en 1513.

J’apprends que le GLANUM – que mon prof de latin au lycée à Berlin avait oublié de mentionner, obsédé qu’il était par le Bellum Gallicum que j’ai détesté de tout cœur – est une cité gauloise implantée proche de sources sacrées et en effet, nous découvrons, dans le terrain qui entoure cet hôtel particulier, la piscine des Romains…car à partir de l’empereur Auguste, la romanisation de la Provence allait bon train.
Le deuxième hôtel particulier – cette fois Renaissance – porte le joli nom de « Mistral de Mondragon », qui se prénomma Paul et y habita enfant.

Ce musée abrite aujourd’hui la collection ethnologique de la ville. Ce qui m’émeut pendant cette visite, ce sont deux choses aujourd’hui disparues : d’abord le métier de FERBLANTIER. Quand j’étais enfant, l’arrosoir du jardin, les seaux et la bassine pour le linge étaient faits en cette matière, le fer-blanc – avant l’invasion du plastique. Et puis, l’ormeau, plusieurs fois centenaire et malade qu’il a fallu abattre en 1927. Non seulement, on conserve dans ce musée une tranche de son tronc (hélas, ma photo est floue) mais un peintre local a fait son portrait avant l’abattage. Pour l’éternité…

Quand nous sortons, les rues sont pleines de monde et nous nous attablons devant un panaché bien frais sur la terrasse d’un petit bistrot sympathique d’où nous avons une belle vue sur les passants.

Quelques-uns sont très élégamment vêtus, ce qui me plaît beaucoup. Cela devient rare de nos jours.
FONTVIEILLE
Bien sûr, la ville est connue pour le Moulin de Daudet que nous avons visité il y a longtemps. Aujourd’hui, lundi, c’est le marché qui nous intéresse. Il n’est pas très grand mais quel choix !

Dans les légumes surtout : tout est bio, tous les producteurs viennent des environs et c’est une joie de choisir les tomates, poivrons et courgettes pour les jours à venir. Sans oublier l’ail, les oignons doux, les olives… et tout cela pour un prix riquiqui : plus d’un kilo de ces tomates et plus une livre de tout petits poivrons tendres pour 4 € !
Nous poursuivons notre route, contournons Arles (que nous gardons pour un autre jour) et arrivons à une ville que nos amis nous ont recommandée.
AIGUES-MORTES
Heureusement que nous sommes après la mi-septembre car qu’est-ce que ça doit être ici en haute saison ?! Nous trouvons tout juste une place dans l’avant-dernier parking.

De suite, nous sommes séduites par le site, ces remparts incroyables érigés par Louis IX – 1,6 km si on veut faire le tour à pied du carré – et la belle grande place avec sa statue.

Après avoir acheté une bouteille de Vin de Sable que nous dégusterons ce soir et après avoir mangé un bon sandwich sous un MURIER PLATANE, très apprécié pour son ombre, car il fait facilement 27 degrés aujourd’hui, nous nous décidons – un peu à regret pour moi – à ne pas faire une croisière sur les canaux de Camargue car nous voulons encore pousser jusqu’au GRAU DU ROI pour aller voir la mer.
En venant dans la matinée, nous avons traversé la PETITE CAMARGUE avec son Petit Rhône, ses petites montagnes de sel, et désormais, des petits trains qui permettent d’observer d’un peu plus près les grands taureaux dans certaines manades, pfffft…..!

LE GRAU DU ROI
Le mot « grau » vient du latin « gradus » et signifie en occitan « passage ». Le Grau a servi de passage entre la mer et Aigues Mortes depuis le règne de St. Louis.
C’est très agréable de flâner le long des quais pour arriver au vieux phare et à la mer. Cette baie immense avec au fond les immeubles de la GRANDE MOTTE ne nous inspire pas trop et la grande bleue est ici plutôt grise malgré le temps radieux. Mais la vue va loin et ça, c’est très beau.

RANDO VAN GOGH
Mardi matin, changement de programme : nous laissons la voiture et nous partons marcher sur le PLUS ANCIEN chemin de France, la VIA DOMITIA,

qui passe par St. Rémy et qui nous offre de jolies vues sur la vallée, les vignobles et les oliveraies.

Arrivées au St. Paul Mausole nous retrouvons avec plaisir la « promenade dans l’univers de Vincent van Gogh » et cette fois, nous nous arrêtons pour lire toutes les lettres écrites par le peintre à son frère et à sa Maman.

C’est bouleversant de lire par exemple que « la nature ici m’éblouit et m’émeut tant que parfois je ne peux pas travailler pendant deux semaines ». Il écrit qu’il a du mal à peindre les cyprès et les oliviers…. C’est à peine croyable car il le fait si bien !

CEZANNE AUX CARRIERES
Après avoir fait un tour au Marché de St. Rémy nous partons pour Les Baux.

Dès que nous entrons aux Carrières de Lumière, c’est à nouveau le choc devant l’immensité de ces locaux et l’éblouissement devant l’œuvre de Cézanne. C’est à peine croyable que ce « Maître de la Provence » fut un autodidacte. Le contraire de van Gogh. Déjà le début du film est magnifique et très fort. La mise en scène par les trois Italiens Gianfranco Ianuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi – maîtres également ! – est fantastique : la musique qu’ils choisissent pour chaque thème, que ce soient les fruits, les paysages aixois, les gens simples : tout nous fascine. C’est une œuvre en soi !

Nous restons une heure et demie et regardons l’ensemble deux fois avec émerveillement – c’est un des moments les plus forts de notre semaine.
LE PARCOURS BOTANIQUE
Aujourd’hui, nous laissons notre voiture au parking de LA CAUME au-dessus de St. Rémy et nous partons sur un sentier de petite randonnée. Au début, ça monte pas mal et nous essayons de comprendre les indications sur les petites pancartes avec dessins, mais très vite nous y renonçons car nous ne reconnaissons pas les plantes….et les points de vues sur la plaine et le LUBERON au loin sont beaucoup plus beaux.

Sur le chemin du retour, nous tombons sur les jolies fleurs bleues de la chicorée sauvage, qui porte le nom de « WEGWARTE » en allemand. A son origine, voici une belle légende du HARZ où j’ai passé mon enfance :
Le Comte de Ballenstedt a une magnifique fille blonde aux yeux d’un bleu très doux. Tous les nobles des environs lui font la cour, mais son cœur choisit un palefrenier de son père. Furieux, le papa chasse l’amoureux de sa fille sous prétexte qu’il lui faut faire son service militaire – pardon, aller faire la « Guerre Sainte » contre les Maures. Habillé du traditionnel manteau bleu, le jeune homme part courageusement, non sans avoir embrassé moultes fois sa belle qui l’accompagne jusqu’à la croisée des chemins (WEGkreuzung en allemand). Son amoureuse lui promet de l’attendre ici fidèlement jusqu’à son retour et – dès qu’il a disparu de sa vue – elle récite ces mots magiques :
Werde nie ohne ihn nach Hause gehen, lieber am Wegesrand ewig stehen.
Und bevor ich lass das Weinen sein, werd’ ich lieber ein Feldblümelein!
Jamais je ne rentrerai à la maison sans lui. Je préfère rester pour toujours au bord du chemin.
Et avant que je ne meure de pleurer, je préfère me transformer en fleur des champs.
Et elle se transforme en « celle qui attend au bord du chemin », forcément bleue comme ses yeux. Ach, l’amour pour toujours !!!

ARLES, EYRAGUES
Dernier jour déjà, au secours, ça va trop vite !!! Après avoir fait une courte halte au marché de Fontvieille, nous voici à ARLES au pied de LUMA, la tour que nous avons vue de loin comme un phare pour la culture.

Nous sommes agréablement surprises car l’entrée est gratuite et à cause de (ou, et en ce cas seulement : grâce à !) la pandémie, il y a très peu de monde. Déjà, le hall est fascinant car on y retrouve les 11 500 briques en inox posées à l’extérieur.

C’est très impressionnant de voir les briques « nacrées » près du sol, grises comme la mer du Nord plus en haut et bleutées de l’autre côté. Franck Gehry, qui nous raconte le comment et le pourquoi de cet ouvrage dans un film, dit très sobrement
La lumière d’ici est un cadeau des Dieux – je n’avais plus qu’à m’en servir
C’est fascinant d’écouter ce Monsieur de 92 ans qui en fait 20 de moins et qui loue sa « partenaire » Maja Hoffmann pour le plaisir qu’il a eu de travailler avec elle main dans la main. Sur le site de cette dame, il est écrit, sous la rubrique « profession » en toute simplicité : mécène ! C’est beau. Et c’est noble car elle refuse de dire combien exactement l’œuvre lui a coûté, on murmure que le budget de 100 MILLIONS d’Euros aurait été largement dépassé. Quand l’argent se joint au génie de la création et au savoir-faire, le résultat est forcément époustouflant.

Nous sortons sur l’une des terrasses – aucune ne fait tout le tour du bâtiment et c’est fait exprès, comme la petite fenêtre dans le Musée VUITTON à Paris, la seule d’où l’on peut apercevoir la Tour Eiffel.

D’ici, nous voyons très clairement que le choix du lieu n’a pas été un hasard : Maja Hoffmann a voulu créer avec son campus à l’américaine un pont entre le centre historique : son théâtre, son cirque antique, sa population aisée et « les autres » plus loin, séparés du centre par la ligne du chemin de fer. Elle parle avec chaleur de ce lieu qu’elle a souhaité comme un « laboratoire où l’on est libre de chercher, de se tromper et de recommencer ». J’aime beaucoup.

Revenues dans le hall, nous admirons aussi les rondeurs très féminines des détails de l’architecture. Et nous regrettons déjà de ne pas pouvoir profiter du soleil couchant qui pare la tour de mille feux. Mais ainsi en plein midi, elle est très belle aussi.

Il commence à faire vraiment très chaud et nous trouvons une table à l’ombre pour déguster une focaccia devant une boulangerie. Ensuite nous admirons deux acrobates qui s’entraînent dans le théâtre antique.

En face du théâtre se trouvent de belles demeures et je me demande ce que cela peut faire de regarder de sa fenêtre ou de son balcon dans ce décor féérique la pièce « Antigone » d’Anouilh par exemple (qui m’avait tant impressionnée quand j’avais 16 ans).
Un peu plus loin, des acclamations nous parviennent du Cirque où l’on a cru bon de faire venir des tonnes de sable afin que des gamins puissent jouer au « beach-volley », hrrm…

Nous commençons à fatiguer un peu mais cette ville vaut vraiment le détour et nous nous promettons d’y revenir une autre fois.

Pour aujourd’hui, il nous reste une dernière étape à faire et nous reprenons notre voiture.

Une dernière fois, nous allons traverser nos chères Alpilles et arriver sur le parking d’EYGALIERES où une foule joyeuse dispute un tournoi de pétanque. Moi, je pâlis un peu à la vue de ce très joli village, perché sur une colline qu’il va falloir escalader…. jusqu’à la Sainte Vierge, c’est clair.

Alors, je serre les dents et je m’accroche, non mais ! Effectivement, la vue magnifique à 360 degrés que nous avons de là-haut me récompense amplement et je remercie ma meilleure amie qui n’a pas compté ses encouragements pour que j’y arrive. C’est une très belle fin de journée, riche en beauté.

48 heures plus tard, je suis de retour à Montmartre. J’ai plein d’images et de couleurs dans la tête et je contemple avec bonheur les légumes ramenés de Provence, les fleurs et la grappe de notre jardin à Saint Maur – une nature morte presque aussi belle que celles de Cézanne (je rigole !)
A suivre prochainement par une autre pièce du puzzle datée d’une autre année…