Aïe, tout est bien gris dehors – et ce un 20 juillet ! J’avais espéré que l’orage du matin purifierait l’air. Rapidement, j’adresse une prière à l’ange gardien des cyclistes, en leur demandant de nous aider, car Mireille et moi voulons partir demain, pour 10 jours de randonnée à vélo. L’ami Rudolf et moi sommes allés la chercher ce midi à Munich au train de Paris.
D’ALTÖTTING À LINZ
Pendant le trajet en voiture jusqu’au sanctuaire d’Altötting, Rudolf essaie de nous dissuader de faire notre rando en nous donnant de nombreux conseils et suggestions. À cause du temps, nous devrions plutôt louer une voiture. Nous refusons tout net !
Arrivés à Altötting, nous trouvons une charmante dame qui loue des vélos pour seulement cinq marks par jour. Elle est également prête à nous réserver les vélos et à attendre que nous les prenions cet après-midi – si le temps s’éclaircit – ou demain matin.

Après avoir pris congé de notre accompagnateur, nous rendons l’hommage qu’il mérite à l’impressionnant „Panorama“ (une fresque de mille deux cents mètres carrés représentant Jérusalem).La chapelle date d’environ 660 apr. J.-C. ce qui en fait le plus ancien sanctuaire dédié à la Vierge en Allemagne. Il est connu pour les nombreuses guérisons qui y auraient eu lieu et est communément appelé le Lourdes d’Allemagne.
J’insiste pour visionner le « film sur la Vierge » pour avoir vraiment TOUT fait afin d’entrer en bonnes grâces pour notre randonnée. Et vraiment, ça marche ! Le ciel se montre compréhensif – ça se lève, youhou !

Une demi-heure plus tard, nous pédalons déjà en direction de Braunau, et après trois heures, nous arrivons à Kirchdorf. Passablement épuisées et un peu énervées. Nous nous sommes en effet perdues deux fois, car notre carte n’est que partiellement exacte.
Apparemment, ils construisent des routes plus vite qu’ils n’impriment des cartes ici ! Heureusement, nous trouvons tout de suite un hébergement. Le soleil du soir a fait son apparition et c’est avec soulagement que nous nous plongeons l’une après l’autre dans un bain moussant relaxant. Nous profitons de la télé de l’hôtel, d’une grande bouteille d’eau minérale pour nous reposer et de nos livres respectifs au dîner. C’est ça aussi, l’amitié.

Le lendemain matin, nous expérimentons le passage de frontière le plus rapide de notre vie ! Après avoir traversé la rivière INN, nous dépassons avec plaisir une longue file d’énormes camions qui doivent tous attendre leurs papiers. Ni les fonctionnaires allemands ni leurs collègues autrichiens n’ont le temps de nous contrôler. Ravies, nous continuons sur le sentier de grande randonnée cycliste le long du DANUBE.
On respire un bon coup. Jusqu’à présent, nous avions en effet subi beaucoup trop de bruit et des gaz d’échappement. A partir de maintenant, seul le chant des oiseaux et bien sûr la rivière, qui est déjà presque un fleuve, nous accompagneront. En raison des nombreuses pluies, l’eau est très haute et son aspect est particulièrement peu engageant.
Ce qui est amusant, ce sont les nombreux oiseaux d’eau que nous observons lors du pique-nique de midi : ils se laissent tout simplement dériver comme des yeux gras sur un bouillon.

Le chemin est souvent sablonneux et peu pratique, car nous avons chacune treize kilos de bagages sur le vélo. Lorsque nous devons le pousser en montée, ils se font alors très désagréablement sentir. Le temps reste nuageux et humide toute la journée, avec un vent frais qui nous oblige à nous habiller et à nous déshabiller constamment.
En fin d’après-midi, le temps s’éclaircit enfin et à partir de Schärding, la route devient magnifique avec une vue sur l’imposant château de Wernstein sous un soleil radieux.

Schärding, encensé dans notre guide, nous semble d’ailleurs similaire à Mühldorf, Braunau ou Kirchdorf : UNE place imposante avec des maisons presque trop bien peintes – le reste est malheureusement d’une banalité affligeante.

Passau, par contre, c’est vraiment autre chose. Pas seulement à cause du célèbre musée Veste Oberhaus ou du triangle des trois rivières (le DANUBE, l’INN et l’ILZ) en crue, mais aussi parce que la ville offre partout des vues sur les collines verdoyantes des environs.


Nous sommes terriblement fières des soixante-dix kilomètres que nous avons parcourus aujourd’hui – mais aussi très fatiguées, et reconnaissantes d’avoir trouvé rapidement une chambre double pour seulement 55 marks, petit déjeuner compris, dans la vieille ville tranquille.
Le temps de prendre une douche et de nous reposer un peu, voilà l’heure fatidique de 18 h30. Une fois de plus, je m’énerve inutilement (car je pourrais le savoir !) contre les heures d’ouverture absurdes de mon pays natal. Seuls les marchands de glaces sont ouverts quasiment 24 heures sur 24 – mais présentement, nous avons besoin d’un magasin où nous puissions trouver une bonne carte de randonnée cycliste pour le Mühlenviertel.
À la gare, où l’on nous renseigne aimablement, nous nous asseyons et tenons un conseil de guerre. Il n’y a PAS de trains au départ de Passau pour le Mühlenviertel, seulement des bus. Et ils ne prennent PAS les vélos. Mais on peut prendre le train jusqu’à Linz et essayer de continuer à partir de là.
Nous prévoyons donc de faire la grasse matinée et de visiter la ville le lendemain matin. Pour l’heure, nous cherchons un restaurant et réussissons à éviter l’éternel rôti de porc, trop présent. Une „Grillade, grande salade mixte, ‚Reiberdatschi‘ (galettes de pommes de terre) et vin maison“ à 15 marks par personne est délicieux. Le vin, d’une belle couleur dorée, qui s’avère être du “ blo de blo » (en français blanc de blanc), est vraiment bon. Il nous aide à faire de beaux rêves.
Plein d’entrain, je tire les rideaux le lendemain matin. C’est la poisse ! Malgré le beau coucher de soleil d’hier, tout est à nouveau gris dehors. Dépitées, nous retournons à nos lectures au lit – après tout, ça sert à ça, les vacances.
Toujours est-il que peu avant 10 heures, nous nous retrouvons déjà en haut du château, couvertes de sueur après une montée raide, et profitons de la belle vue sur Passau.

Alors que nous redescendons à travers la forêt sur des chemins de promenade bien entretenus, le ciel se dégage et, sous un soleil radieux — nous nous perdons totalement dans la vieille ville sur le „chemin le plus court“ qui nous a été recommandé pour aller à la cathédrale. Dans la librairie située à côté, nous voulons enfin acheter notre carte de randonnée cycliste. Mais le ver est dans le fruit : soit la feuille de correspondance dont nous avons besoin vient d’être épuisée, soit l’édition n’est pas utilisable pour nos besoins….Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
Nous remontons bravement sur nos vélos et pouvons même emprunter la route riveraine qui était sous l’eau depuis plusieurs jours, car le niveau a baissé pendant la nuit.
Le train „cyclo-stop“ pour Vienne a presque plus de places pour les marchandises et les vélos que pour les voyageurs. Mais parfois, une seule personne suffit à notre bonheur. La mienne est un gentil quadragénaire qui me fait comprendre dans son inimitable dialecte autrichien (pour lequel Mimi s’est déclarée incompétente) que nous devons renoncer à aller dans le Mühlviertel. Parce que nous ne sommes pas des professionnels mais des „gens de la ville“. En effet, ce parcours serait beaucoup trop accidenté, donc trop fatigant.
Quand il constate mon air déçu, il me dit tout de suite qu’il y a quand même une possibilité qui n’est pas trop difficile. Nous devons prendre le train jusqu’à Freistadt, puis descendre à vélo jusqu’au Danube et emprunter notre piste cyclable. Super, on y va !

Dans le train de Passau à Linz : orage, soleil, orage. Dans le train de Linz à Kefermarkt : soleil, orage, soleil.
A Kefermarkt, des cavaliers autrichiens soulèvent nos vélos pour les mettre dans un bus qui nous emmène „exceptionnellement“ à Freistadt, car la voie ferrée est en réparation. Lorsque nous y arrivons et que nous partons en direction du centre, j’ai une mauvaise surprise : Mon dérailleur, qui ne fonctionnait pas très bien depuis le début, est maintenant en panne et je dois gravir la côte, même pas raide, en troisième ! Dur, dur.
La tour cunéiforme de Freistadt, vraiment belle, est la seule chose qui nous plaît dans ce lieu.

Nous nous rendons immédiatement chez un garagiste et Mireille insiste, avec sa ténacité habituelle, pour que je fasse changer mon dérailleur (ce qui représente neuf jours de location de vélo !) et qu’elle en paie la moitié avec la caisse commune…
Pendant ce temps, une nouvelle averse orageuse s’abat dehors. Lorsque nous pédalons enfin en direction de Kefermarkt, nos nous réjouissons car la vue sur la campagne est magnifique.
Mais nos pieds et nos jambes vont beaucoup moins bien, car la route est pleine de flaques d’eau que nous devons traverser. Les voitures, dont seules quelques-unes font de jolis écarts, nous éclaboussent avec une belle régularité au passage.

Malgré tout, nous sommes encore de bonne humeur à Kefermarkt. Nous confions nos vélos et nos sacs à un petit garçon et préférons faire les quelques pas jusqu’à l’église. Elle se trouve en haut de la colline très raide ! Le fameux retable en bois de tilleul, sculpté en seulement six ans par un artiste inconnu, est magnifique et nous écoutons, impressionnés, la bande sonore explicative.

Si seulement nous avions écouté le petit garçon qui a essayé de nous proposer une chambre dans l’auberge de ses parents ! Mais nous aurions aussi perdu une occasion de rire. En effet, après une courte descente vers le panneau « Guttau 7 km, Jausenstation/Buvette 2,5 km« , alors que nous gémissons en gravissant une montagne interminable, le grondement continu de l’orage se rapproche dangereusement et les premières gouttes tombent.
Nous sommes toutes les deux en sueur et assoiffées. Pendant que je sors mon pantalon et ma veste de pluie du sac à dos, Mimi goûte le „jus de raisin“ acheté à Passau et transvasé dans ma gourde. Elle m’assure en pouffant de rire que c’est du vin ! Nous n’avions ni l’un ni l’autre bien regardé l’étiquette. Ainsi revigorées, nous poussons à nouveau nos vélos vers le haut de la montagne et, très rapidement, nous descendons la pente à droite jusqu’au snack-bar. Sauvées !
Je connais la peur de Mi des orages et maintenant il pleut à nouveau à verse et le tonnerre gronde. Malheureusement, la maison est fermée et il n’y a personne. Nous ne pouvons que nous réfugier, avec nos vélos, grelottantes, sous l’auvent, où nous alternons jurons et rires.
En fait, je refuse d’envoyer une supplique au ciel et Mi, en revanche, pense que dans CETTE situation, je pourrais faire une exception. Mais je ne veux pas – et elle ne connaît même pas son „Ave Maria“ par cœur, alors !
Mais apparemment, c’est elle qui a le meilleur contact avec le ciel aujourd’hui, car dix minutes plus tard, la voiture des propriétaires s’arrête devant nous et on nous sert un mélange explosif d’eau chaude, de rhum, de vin rouge et de sucre.
Cela nous permet de tenir jusqu’à ce que nous arrivions en haut de la côte, épuisées et soufflantes. Mais il restent encore 4 kilomètres de montées russes jusqu’à Guttau – et soudain, je n’en peux plus : des pieds humides et glacés ainsi qu’un dos horriblement douloureux, c’en est trop.
Mi se charge de demander une chambre et tombe sur un groupe d’hommes locaux au bar d’un hôtel, passablement éméchés, qui se moquent de son accent de la manière la plus grossière qui soit. Réplique glaciale de mon amie : „Moi, j’essaie au moins de parler votre langue !“ Silence dans les rangs. Et Mi nous trouve une chambre, même si celle-ci est hors de prix.
Nous prenons enfin une douche chaude et une aspirine à titre préventif. Un très bon dîner remonte le moral des troupes. Jouer ensuite avec un adorable bébé-chat est compris dans le prix. Je trouve même dans la bibliothèque de l’établissement le « Club des cinq“ d’Enid Blyton, un livre que j’ai lu pour la dernière fois il y a plus de trente ans et avec lequel je m’endors très vite en souriant.
LE LONG DU DANUBE PAS BLEU DU TOUT
Aujourd’hui, c’est du plaisir pur pour la cycliste ! Après une très courte montée, nous descendons pendant des heures à travers la vallée romantique de l’Aist et nous nous envolons presque ! Toutes les intempéries de la journée d’hier sont oubliées et tandis que l’air frais matinal nous fait frissonner – car il fait tout au plus dix degrés à la fin de ce mois de juillet ! – on se marre et comme Montand „à bicyclette…“!!

De grands arbres magnifiques, de superbes prairies fleuries et des maisons bien entretenues avec des jardins charmants devant sont un « plaisir des yeux » et nous ne regrettons plus du tout notre détour.
Petite halte à Schwertberg pour acheter des nectarines et du thé glacé à la pêche. Puis nous continuons à travers un tout autre paysage : maïs, betteraves et champs de blé se succèdent tandis que nous nous rapprochons de plus en plus du Danube.
Houh là, il est aussi brun et trouble que l’Inn, et même le soleil, qui fait une brève apparition, n’y peut rien. Johann Strauss, comme tu t’es trompé !
Le célèbre sentier de randonnée du Danube longe d’abord la digue, mais il la quitte rapidement pour continuer pratiquement „sous la digue“. C’est une bonne chose, car le vent du nord-ouest s’est levé. Nous sommes non seulement protégées et même poussées par lui, mais nous pouvons en plus admirer le revers argenté des feuilles de peupliers ainsi que la cigogne qui marche gracieusement à travers la prairie.

Près du château de Wallsee, nous traversons l’imposant Danube, faisons notre pique-nique sur un ponton et, pour la première fois depuis des semaines, je peux prendre le soleil pendant dix (!) minutes.
Plus tard, nous roulons le long de ce que l’on appelle les „bras morts“ du fleuve, jusqu’aux alentours de Grein où nous sommes ‚évidemment‘ rattrapées par l’averse quotidienne…. Mais lorsque nous arrivons dans cette jolie petite ville, le soleil brille à nouveau. Nous cherchons et trouvons immédiatement une chambre privée pour presque la moitié du prix de la nuit précédente. Nous pouvons passer la nuit dans la chambre à coucher de la fille mariée de Madame Breitschuh.
Une TV qui ne fonctionne pas, d’horribles peluches et le „livret de conseils de grand-mère“ sont offerts gracieusement, ainsi que la cordialité de l’aubergiste. On sent vraiment qu’elle ne loue pas uniquement pour l’argent et ce facteur (ainsi que son excellente confiture de fraises) nous touche.

Nous nous promenons ensuite dans la petite ville. Malheureusement, le théâtre à l’italienne de 360 places installé dans l’hôtel de ville est complet ce soir et nous devons nous contenter d’un excellent repas chinois.
Oh non, ce n’est pas possible ! Le lendemain, tout est à nouveau gris, alors que la météo promettait une amélioration depuis plusieurs jours et qu’il devrait même faire ‚assez beau pour la baignade‘ ce midi ! Mais il n’en est rien et nous enfourchons notre vélo, toujours vêtus d’un pantalon long, d’un pull, d’un anorak léger et des chaussettes dans les chaussures.
ACH, nos vélos ! Source de beaucoup de plaisirs lorsque nous descendons une colline, ils nous tiennent sinon constamment en haleine. Nous devons toujours les appuyer contre un mur ou un arbre lorsque nous nous arrêtons. Nos sacs à dos (trop) lourds font plier les béquilles ! Le vélo de Mimi a en outre la malice de faire basculer son panier, dans lequel le sac à dos est maintenu par des tendeurs, au moins deux fois par jour.
Mon dérailleur, qui n’a que deux jours, n’est malheureusement pas non plus à la hauteur et tombe complètement en panne ce samedi après-midi à Melk, notre destination du jour.
Heureusement, Mimi réussit à faire les yeux doux à un homme de l’auberge de jeunesse, qui s’occupe de mon vélo. Sous nos regards admiratifs et nos cris d’encouragement, il démonte et remonte le dérailleur de manière experte. C’est bien quand ça sert, un homme 🙂

MELK est très touristique, avec une jolie zone piétonne, mais rien de renversant. Par contre, la célèbre abbaye est impressionnante à tous points de vue et la bibliothèque est unique avec ses seize mille volumes, dont une partie est en bois – donc un faux – pour ne pas laisser de trous visibles ! Exceptionnel, malgré cette petite tricherie.

D’EMMERSDORF À VIENNE
Cela fait déjà une heure que nous sommes à Emmersdorf sous un beau soleil couchant et nous n’en revenons pas encore de notre chance ! Il n’y a pas plus champêtre que ce que nous voyons, car nous sommes assises dans le jardin de la famille Kreitz : Des abricotiers et des pommiers, un hamac, une balançoire, une petite cabane de jardin et au moins 15 invités autour d’une table ronde ou dispersés dans des chaises longues. La maîtresse de maison nous offre un verre en l’honneur de son anniversaire.
Les cloches sonnent pour annoncer le dimanche, je suis un peu pompette à cause du vin et de la chaleur inhabituelle – quelle belle soirée d’été à la campagne, c’est magnifique !

Nous faisons bien d’en profiter à fond, car il semblerait que ce soit le seul que nous ayons. Après l’apéritif et la vue sur de magnifiques bouleaux dans le ciel bleu du soir, nous nous décidons à faire une petite promenade dans ce joli village d’Emmersdorf.
Nous voulons grimper jusqu’à la petite église d’où les cloches résonnaient si joyeusement tout à l’heure – mais on a une fois de plus enfermé le bon Dieu. Dommage. Nous redescendons donc par un sentier à travers la prairie jusqu’au Danube, où nous dégustons dans un Biergarten un excellent goulasch.
En tout cas, ce soir, nous ne sommes pas habillées de pulls chauds, les hirondelles volent haut et nous trouvons la vue sur l’abbaye de Melk – juste de l’autre côté du Danube – époustouflante. C’est certainement un bon signe pour un temps d’été radieux demain…
Oui, mon œil ! Les cloches du dimanche sonnent, mais un très pâle soleil et un ciel mitigé atténuent notre bonne humeur le lendemain matin. Nous nous réjouissions tellement de pouvoir nous baigner, dans une piscine, car nous n’aurions certainement pas mis le plus petit orteil dans ce fleuve sale.
Nous sommes en route pour Krems, aujourd’hui à nouveau sur la rive droite du Danube, qu’on nous a recommandée. A juste titre ! Certes, elle est d’abord un peu trop animée à notre goût (à cause des voitures), mais lorsque notre piste cyclable quitte la route, où la vallée s’élargit, nous traversons de magnifiques vignobles et vergers.

Je n’ai même pas besoin de me retourner pour voir le sourire de Mimi, je le SENS dans mon dos, chaque fois que je regarde avec envie les abricotiers débordants de fruits par-dessus la clôture. En effet, j’ai oublié de demander hier soir à notre sympathique hôtesse la permission de piocher dans son arbre également plein à craquer de « Marillen ». Trop bête !
Cette région, la Wachau, a en tout cas une ambiance méridionale qui nous plaît énormément. Le point culminant du voyage est le „Frühschoppen“ à Weiskirchen, où c’est la fête et où nous prenons exceptionnellement un Spritz un peu avant midi, sous un soleil radieux mais piquant – annonçant déjà le prochain orage.

Assises dans une cour particulièrement agréable, nous admirons les Dirndl (robes traditionnelles) des serveuses et la fanfare joliment vêtue. Nous profitons avec plaisir de cette ambiance festive.
En réponse à ma question, on m’explique que les „étoiles de paille“ qui sont souvent accrochées aux maisons ici – tantôt décorées de deux rubans multicolores, tantôt de branches vertes – signalent un viticulteur qui ne sert que son propre vin.
Ainsi revigorées et instruites, nous poursuivons notre route vers Krems, une grande ville avec une belle partie ancienne.

La ville est déserte, car le rôti du dimanche est de rigueur et nous aussi, nous aimerions faire un pique-nique. Mais une fois de plus, il n’y aura pas de bain de soleil. Les nuages suspendus au-dessus de nos têtes filtrent les rayons du soleil, ce qui rend la chaleur et l’atmosphère étouffante. Pas de chance !
Avec les premières gouttes annonciatrices, nous remontons sur nos vélos en soupirant et voulons prendre une variante de notre piste cyclable qui doit nous mener au monastère de Göttweig.
Malheureusement, celui-ci se trouve à trois cents mètres d’altitude et mon dérailleur est à nouveau en panne, nous devons donc dire adieu à ce but. C’est dommage. Notre chemin de l’après-midi n’est pas non plus très propice à nous remonter le moral, car il est particulièrement monotone, ce morceau du Danube.
Certes, la vue est belle, car à gauche, nous avons le fleuve avec des canards, des cygnes et toutes sortes de bateaux, à droite, nous voyons défiler des arbres gigantesques et la digue elle-même est joliment brodée de petits tournesols jaunes, de chicorée bleue et de thym violet. Mais c’est la même vue pendant des heures et cela devient vite ennuyeux.
Nous arrivons très contentes à Zwentendorf, notre dernière étape avant Vienne. À peine sommes-nous douchées et enduites de crème que l’orage éclate avec violence et nous sommes heureuses d’être cette fois au sec. Mais deux heures plus tard, il pleut toujours à verse et nous partons armées d’un parapluie surdimensionné – avec une serviette pour nous sécher et même des chaussures de rechange !
Le seul restaurant ouvert aujourd’hui se trouve en effet à dix minutes de marche. Notre courage est récompensé par une escalope viennoise phénoménale et un Veltliner très correct, qui nous permet de bien dormir.
Les deux randonnées à vélo, auxquelles j’ai emprunté la nôtre, se terminent toutes deux à Krems. La plupart des gens continuent en bateau ou en train jusqu’à Vienne. Après coup, je comprends pourquoi, car il n’y a tout simplement plus rien de palpitant à faire. Et surtout pas d’atelier de réparation de vélos !
Soit ils sont fermés pour cause de vacances (comme ce matin à Zwentendorf), soit ils ferment à midi pendant 3 heures (comme à Klosterneuburg), soit le mécanicien ne vient que deux fois par semaine (chez „Fritzi an der Donau“). Si cela ne donnait pas envie de pleurer, on en rirait !
Cette „quête“, nous a amenées en plein centre de Vienne. C’est une chose très étrange, car nous sommes passés presque sans transition de la campagne à une grande ville. Mais, mon Dieu, ça empeste ici – c’est horrible ! Nos nez ne sont plus habitués qu’au bon air de la campagne. Au secours !
Au moins, nos yeux en prennent pour leur grade avec une sorte de château de conte de fées que nous rencontrons à la périphérie de la ville. Ce n’est que plus tard que j’apprendrai que Friedensreich Hundertwasser, cet architecte de génie, s’est occupé d’une usine d’incinération des déchets.

Nous nous arrêtons dans le centre de Vienne, un peu perdues, car j’ai vraiment besoin d’un atelier de réparation de vélos. Je trouve un petit ange en la personne d’un gentil jeune homme qui nous emmène ‚presque‘ jusqu’au bon atelier.
Trois heures plus tard, le vélo est réparé, et lorsque nous descendons de nos vélos dans la cour de notre pension, épuisées d’avoir roulé dans le trafic de fin de journée le plus dense, je sais qu’il ne fonctionne toujours pas correctement. J’en ai vraiment marre de mettre de l’argent dans ce stupide dérailleur !
Le jeune homme nous a par ailleurs prévenu que la ville est pleine de gens « de l’Est“ et que nous aurions certainement du mal à trouver une chambre à un prix abordable. C’est pourquoi nous avons dû pédaler jusqu’à un quartier périphérique.

Mais nous y sommes maintenant. Vienne sous le soleil, c’est le bonheur ! Nous jouons les touristes et partons de la cathédrale Saint-Étienne pour nous rendre à la Hofburg en passant par le « Graben“ et ses magnifiques maisons anciennes. Là, nous nous délectons de l’image pittoresque des nombreux fiacres et admirons la couronne en fer forgé.
En traversant le Hofgarten, nous arrivons au Burgtheater, qui est malheureusement fermé pendant les vacances d’été.
Nous continuons vers l’hôtel de ville, où une surprise nous attend. En effet, en juin et juillet, on y installe de grandes tables avec de longs bancs, des tréteaux avec beaucoup de fleurs et de petits kiosques et stands où l’on peut acheter des spécialités à manger.

C’est une sorte de „Biergarten européen“ et nous avons tout de suite envie d’y passer la soirée. En plus, ce soir, devant l’hôtel de ville, il y a une projection gratuite de „La Bohème“ et comme je ne connais pas cet opéra, je me réjouis doublement.
Mais pour l’instant, nous continuons notre promenade, en nous renseignant au passage sur les autres itinéraires cyclables. En discutant de ce qui serait le mieux, nous arrivons à la conclusion que nous aimerions bien toutes les deux rattraper la partie „Linz-Passau“ qui nous manque.
Nous achetons donc des billets pour demain et nous nous rendons ensuite dans un vrai vieux café viennois, le « Café Museum“.

Il y règne une atmosphère particulière, à mi-chemin entre la salle d’attente et le club anglais. On parle en sourdine, un joueur d’échecs attend ses amis, plusieurs personnes lisent les journaux à disposition.
Nous nous installons et commandons un „petit brun“ et un „mélange“. Bien sûr, nous devons aussi lire le journal, ne serait-ce qu’à cause du bulletin météo. Mais nous aurions mieux fait d’y renoncer, car le prochain front orageux est déjà annoncé pour demain. Mimi lit le premier bulletin météo écologique de sa vie dans le ‚Salzburger Nachrichten‘ et est très impressionnée par les poubelles de couleur, blanches, en verre, en plastique et en fer blanc qui se trouvent partout ici !
Nous continuons notre tour du parc municipal, bien entretenu et agréable, où de nombreuses personnes sont allongées sur la pelouse. Nous arrivons lentement au nord-est de la ville, achetons en passant un délicieux strudel au topfen/fromage frais ainsi qu’une brioche à la cannelle (il n’y a qu’en Allemagne et en Autriche que je me laisse tenter par quelque chose de ce genre !) et nous retrouvons peu après devant une petite merveille d’architecture.
C’est un bâtiment qui se tient là, insouciant et joyeux, comme un château de fées perdu dans la jungle de la grande ville et qui trouve très agréable de voir autre chose que de la forêt. C’est bien sûr Hundertwasser qui l’a créé, ainsi que la galerie marchande qui se trouve juste en face. Nous passons effectivement les heures suivantes à regarder, à nous étonner et à admirer.
À la fin, nous sommes presque un peu ivres. Pour une fois, cet homme ne prend pas l’architecture aussi au sérieux que quatre-vingt-dix-neuf pour cent de ses collègues, et son credo est que les maisons doivent construites pour les gens, et non l’inverse. Sa théorie sur le sol, qui devrait être „inégal comme dans la nature pour qu’un être vivant s’y sente bien“, nous semble tout à fait pertinente.

Enthousiastes et quelque peu fatiguées, nous retournons à la cathédrale Saint-Étienne et achetons dans l’un des magasins trois petits anges pour ma collection. Ainsi protégées, nous dégustons ensuite un verre de vin et espérons, tout en écrivant nos cartes à nos proches, qu’il fera aussi beau demain qu’aujourd’hui.
Revenues sur la place de l’hôtel de ville, le soir tombe doucement. Nous trouvons un délicieux repas végétarien à un stand : „Hirselaibchen“, salade grecque, quenelles de serviette et une sauce aux cèpes exceptionnelle. Le tout est succulent.
A noter que – parce que les „Verts“ de la ville ont râlé – c’est servi avec des couverts en bois écologiques dans de vraies assiettes et avec de vrais verres au lieu de gobelets en plastique.
On n’avait encore jamais vu quelque chose comme ça et trouvons l’idée super. En prime, ça donne quelques emplois aux chômeurs et je pense que nous devrions reprendre cette idée pour nos Tuileries à Paris. J’ai toujours pensé qu’il fallait prendre le meilleur des idées de chaque pays européen et l’introduire dans les autres États.
Nous entrons d’ailleurs très vite en contact à une table de jeunes gens sympathiques qui fêtent la fin d’un cours d’espagnol. Entre un inspecteur de police qui veut partir quatre semaines en Bolivie avec un sac à dos et un ancien contrôleur de casino reconverti en bibliothécaire, nous nous sentons très à l’aise et bavardons joyeusement. Hélas, le film de l’opéra est raté – mais le vin est siiii bon…
DE LINZ A PASSAU/ALTÖTTING
Ce matin, nous le vin d’hier soir se fait sentir, ainsi que la courte nuit : seulement sept heures de sommeil au lieu des dix habituelles. Nous sommes dans le train pour Linz et c’est une sensation étrange de voyager ainsi „à l’envers“ : „Regarde, voilà Melk, c’était le seul jour sans pluie ! Ah, et voilà que tu as encore juré sur ton changement de vitesse…“ et ainsi de suite.
Nous sommes toutes deux heureuses d’avoir échappé au bruit et à la pollution de la grande ville. En même temps, nous nous réjouissons que Vienne soit si belle et ne soit pas encore la fin de notre voyage !
Une heure plus tard, je chante : « I’m radling in the rain ! » et j’adore le fait que les cloches de Linz se mettent à sonner pour nous dire adieu juste au moment où nous quittons la ville.
Nous sommes toutes les deux excitées comme des enfants le premier jour des vacances, nous vantons la verdure retrouvée des prairies et le bon air, nous affirmons avec audace que „le peu de pluie“ est bon pour notre teint. L’air frais nous a donné de belles couleurs et nous nous plaisons bien.
Nous pédalons donc tranquillement en direction de Passau. Moins d’une heure plus tard, nous sommes déjà bien mouillées et fuyons une averse particulièrement violente pour nous réfugier dans une “ Auberge, amie des cyclistes “ (comme l’indique l’enseigne) à Ottensheim.
Malheureusement, ce restaurant s’avère être un restaurant de luxe avec piano, où une bière et une simple soupe à la carte – manuscrite ! – coûtent quinze marks.
Nous engageons la conversation avec deux femmes parties avant-hier de Passau. Ce sont une mère et sa fille qui ont réservé „notre“ tour chez „Velotours“ pour 1500 marks.
Maintenant, elles DOIVENT pédaler, qu’elles le veuillent ou non, puisque l’hébergement est réservé à l’avance et que leurs bagages voyagent en voiture. Mimi et moi, nous nous entendons d‘ un regard : les pauvres ! Elles se privent de ce qu’il y a de plus agréable, à savoir l’improvisation dans un tel voyage.

Lorsque le temps s’éclaircit à nouveau, nous continuons, de manière très amusante, car nous traversons le Danube en bac tiré par un câble. Nous nous dirigeons ensuite vers Aschbach.
De l’autre côté du fleuve, nous croisons un groupe de seniors anglais à vélo – et sommes pris d’un fou rire en voyant les sacs en plastique posés sur leurs casques.
Malheureusement, la trêve des pluies est de courte durée. Dix-huit kilomètres plus tard, soit une heure et demie de vélo, nous devons abandonner, car nous sommes trempées jusqu’à la moelle. Même les saluts conspiratifs, « Hallo, buon giorno, hi“ des personnages encapuchonnés de jaune, de rouge et de bleu qui viennent à notre rencontre ne parviennent plus à nous distraire des réalités humides….
Heureusement, le « système poubelle“ de Mireille a fait ses preuves ! Nous avions toutes les deux tapissé nos sacs à dos d’un grand sac poubelle en plastique avant le début du voyage et nos affaires de rechange sont donc parfaitement sèches lorsque nous les sortons des sacs détrempés.
Donc, nous nous trouvons super ! L’après-midi, nous avons écouté pendant des heures la pluie battante de la campagne tout en étant plongés dans nos livres respectifs. Ensuite, nous nous sommes tout de même levées vers sept heures et demie du soir pour nous rendre cent mètres plus loin dans une auberge – à nouveau sous un parapluie géant, bien sûr.
Une excellente surprise nous y attend : le meilleur repas que nous ayons pris en Autriche. Un merveilleux plat de “girolles à la crème“ qui aurait fait honneur à n’importe quel restaurant *** à Paris ! Je me renseigne soigneusement sur la recette et j’espère que je pourrai la reproduire.
La nuit, je me réveille plusieurs fois : la pluie tambourine régulièrement sur le toit. Même encore à 8 heures du matin, alors que nous échangeons nos expériences de voyage à vélo avec une famille de la Ruhr autour de la table du petit-déjeuner.
Vers neuf heures, le temps se calme un peu et nous allons au village acheter une cape de pluie pour Mireille, aussi moche que la mienne, mais au moins bien bon marché. Bien sûr, cet achat a pour conséquence que la pluie s’arrête instantanément ! Nous sommes probablement à l’abri du mauvais temps pour le reste du voyage.

Commence alors une belle balade le long du Danube jusqu’aux « Schlingen de Schlögen“. Nous apprécions beaucoup de pédaler sur une route sans voitures. Seuls les groupes qui viennent à notre rencontre ont parfois l’air si hargneux et acharnés qu’on pourrait croire qu’ils se rendent au bureau.
Je chante une chanson après l’autre, et exclusivement celles qui parlent du soleil – et après une longue hésitation, il sort vraiment juste avant Passau.
Je ne sais pas ce qui nous réjouit le plus : notre belle moyenne de presque dix-sept kilomètres par heure, car nous avons parcouru 70 kilomètres en seulement cinq heures, pauses comprises !
Ou sur le passage de frontière le plus amusant de notre vie, celui entre l’Autriche et l’Allemagne. Nous avons eu beaucoup de chance car il est „STRICTEMENT INTERDIT d’utiliser ce poste frontière entre 22 heures et 6 heures du matin ! “ Nous y sommes à 11 heures du matin. Les gardes-frontières, inexistants et sévères, enferment certainement chaque nuit les contrevenants. Nous en rigolons encore deux kilomètres plus loin !
A Passau, nous avons de la chance, nous prenons tout de suite un „train de cyclistes“ pour Neuötting, y trouvons tout de suite une chambre, déposons nos sacs à dos et pédalons pour rendre nos vélos. Il est déjà presque dix-neuf heures, mais la gentille Madame Schröck nous avait autorisés à sonner chez elle le soir, et c’est ce que nous faisons.
Son fils est là et particulièrement aimable, arrangeant même : le dérailleur est entièrement remboursé sur présentation de la facture. Mi embobine ce pauvre garçon avec son charme, si bien qu’au final, nous ne devrons payer que vingt marks chacun pour les dix jours de location des vélos. Génial !

Un délicieux repas dans le Biergarten clôture la journée et nous constatons toutes les deux avec plaisir que la cuisine allemande et autrichienne a tout de même fait de nets progrès ces vingt dernières années en termes de présentation et de digestibilité. L’œuvre de Wolfram Siebeck – le Jean-Pierre Coffe allemand – n’est pas restée vaine ! Et la recette des girolles deviendra l’une de mes standards.